1674 – Une seigneurie qui dort
La Nouvelle-France est encore toute neuve. À peine 3 000 personnes de souche européenne y vivent, égrenées ici et là le long du Saint-Laurent, à l’est de la bourgade appelée Ville-Marie. À l’ouest de celle-ci, rien sinon d’immenses forêts traversées de lacs et de rivières que peuplent les nations iroquoises et algonquines, et que sillonnent des missionnaires et des coureurs des bois.
Cette lacune, la Compagnie des Indes occidentales, chargée par le roi Louis XIV de peupler la colonie en Amérique selon le modèle dit du régime seigneurial, s’empresse de la combler. En 1674, elle concède au premier évêque de Québec, François de Laval, un vaste territoire de cinq lieues de front sur cinq lieues de profondeur à l’ouest de Montréal, sur les rives de ce cours d’eau qu’on associait encore au fleuve Saint-Laurent. C’est là que chassaient autrefois les Weskarinis, au confluent des rivières du Lièvre, de la Petite Nation et Kinonge avec celle des Outaouais.
À titre de seigneur de la Petite-Nation, Monseigneur de Laval est donc censé arpenter sa seigneurie, la découper en lots (les censives), y attirer des colons (les censitaires), et veiller à leur bien-être en construisant routes et aménagements collectifs. Mais il a d’autres chats à fouetter, et par donation, il charge les chanoines du Séminaire de Québec de réveiller cette seigneurie qui dort.
Illustration 1 – Monseigneur François de Laval
Creative Commons, Wilfredo Rafael Rodriguez Hernandez, CC BY-SA 4.0